Bande annonce
Réalisateur : Mathieu Amalric
Miranda Colclasure, Suzanne Ramsey, Linda Maracini, Julie Ann Muz, Angela de Lorenzo, Alexander Craven, Mathieu Amalric, Damien Odoul, Ulysse Klotz...Durée : 1h51
Sortie en France : 30 juin 2010
Distributeur : Le Pacte
Producteur de télévision parisien à succès, Joachim avait tout plaqué - enfants, amis, ennemis, amours et remords - pour repartir à zéro en Amérique à l'aube de ses quarante ans. Il revient avec une tournée de strip-teaseuses « New Burlesque » à qui il a fait fantasmer la France… Paris !
De port en port, l'humour des numéros et les rondeurs des filles enthousiasment les hommes comme les femmes. Et malgré les hôtels impersonnels, leurs musiques d'ascenseurs et le manque d'argent, les showgirls inventent un monde extravagant de fantaisie, de chaleur et de fêtes.
Mais leur rêve d'achever la tournée en apothéose à Paris se brise en éclats : la trahison d'un vieil "ami" fait perdre à Joachim la salle qui leur était promise. Un bref aller et retour dans la capitale s'impose, qui rouvre violemment les plaies du passé...
CRITIQUE Télérama:
Ça démarre par une bonne décharge : du rock garage tapageur de derrière les fagots, balancé par The Sonics. Un souvenir d'Amérique, d'où débarque Joachim Zand, ex-producteur de télé (Mathieu Amalric, lui aussi de retour derrière la caméra, et prix de la mise en scène à Cannes). Il ne revient pas cousu d'or et brodé d'argent - son costume est défraîchi et sa mine cernée -, mais il fait comme si. Car il ramène de là-bas la poule aux oeufs d'or : un spectacle de new burlesque. Des blondes platine, girondes, qui réinventent le strip-tease. « Si Le Havre vous aime, la France va vous adorer », claironne-t-il aux filles, à demi caché derrière le rideau de scène. On devine le miroir aux alouettes, mais pas les diablesses. Lui-même a l'air d'y croire et le public suit, alors...
Alors on les suit dans leur tournée. De port en port, de loges en hôtels. Répétitions, habillage, maquillage, strass, feux de la rampe. Les filles ont des noms de chanteuses de cabaret ou de catcheuses - Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys, Dirty Martini -, et ce qu'elles font déménage. De la performance satirique avec boas et ballons, de l'effeuillage qui se moque de lui-même, tout en restant licencieux. Des numéros épatants sont restitués, par bribes. Mais le coeur du film se situe moins sur scène que dans les coulisses, dans cette vie extravagante de la troupe. Un monde en soi, un cocon tendre. Frisson d'être ensemble, de participer à une aventure un peu irréelle.
Tournée ravive la fièvre du music-hall, en captant des moments suspendus. Ceux qui donnent « l'illusion de vivre très vite, d'avoir chaud, de travailler, de ne penser guère », comme le décrit si bien Colette dans un texte dont Amalric dit s'être inspiré. Un monde de chimères exaltantes. Tourbillon, ivresse. Le film raconte à peine une histoire, sinon celle d'un amour qui s'ignore et qui, peu à peu, se révèle. Il suscite surtout du fantasme, avec frénésie. Cinéma de croquis, toujours dans l'excitation. Et l'amusement, y compris dans l'érotisme. A l'image de Mimi Le Meaux qui entraîne un jeune inconnu dans les toilettes pour une partie de jambes en l'air, hélas trop vite conclue. Pas du genre à se démonter, voici la Mimi qui oriente prestement son partenaire vers un cunnilingus de haute volée.
Charnel, le film l'est jusqu'à la pointe grimée des seins. Dans cette ode à la femme jamais machiste, Joachim a beau faire le coq, il est tout petit à côté de ses pétroleuses de tous âges et de toutes mensurations. Comme Cassevetes dans Meurtre d'un bookmaker chinois. Ce n'est pas l'unique référence, tant Tournée (titre derrière lequel on entend aussi « tournage ») ne cesse de déployer tout un imaginaire de cinéma, depuis le mythe du producteur consumant sa vie comme les billets, jusqu'aux créatures felliniennes, opulentes voire corpulentes. Cosmopolite, la fantasmagorie relie Hollywood et l'Europe, mixe l'anglais, le français, l'italien. Semble faire des clins d'oeil à tout le monde - lorsque la folle équipe pépie dans le hall avant de prendre des taxis, on croit reconnaître du Godard.
On pense surtout à Jacques Rozier. A sa liberté aérienne, faussement improvisée. Amalric excelle comme lui dans le free style, l'échappée soudaine, à l'instar du dialogue savoureux avec la caissière (divine Aurélia Petit) d'une station-service. « Vous faites quoi dans la vie ? -On s'en fout. -Et là vous allez où ?-Je vais tuer quelqu'un. -Vous avez de la chance. Ça doit faire du bien. » Le plaisir de Joachim n'est pourtant pas toujours le nôtre. Il peut être cruel, ce type, inconséquent avec ses enfants et avec bien d'autres, comme on le voit dans un épisode parisien, dur retour à la réalité. C'est un charmeur qui agace parfois, mais qu'on a envie d'embrasser lorsqu'il réclame auprès des hôteliers de couper l'infecte musique d'ascenseur qui dégouline dans leur établissement.
Un autoportrait d'Amalric ? Plutôt un portrait du joueur en chacun de nous, de l'ado attardé se rêvant couvert de femmes, tantôt morveux, tantôt miteux. Autant dire que le goût du travestissement et de la mise en scène de soi, érigé ici en philosophie de la vie, ne va pas sans risque, ni sacrifice. La générosité brûle ici tout sur son passage. Mais lorsque Zand fait péter une nouvelle fois la sono rien que pour nous, la fin du monde peut arriver, il sait qu'il sera entouré.
Jacques Morice
Télérama, Samedi 03 juillet 2010
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Format : XviD
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